Instant volé
Elle me regarde avec des yeux pétillants et me décrit sa nouvelle robe, celle qu'elle a acheté pour le mariage de son petit frère. Voyant avec quel soin elle me raconte chaque pli du tissu, chaque couleur de l'imprimé, je l'incite à me faire une séance d'essayage. Elle prend son air embêté, maintenant? tout de suite? tu veux que je l'essaye? mais j'ai pas le bon soutien-gorge... Je souris. J'avais oublié qu'elle accordait ses tenues avec ses dessous.
Et puis elle se décide, toute contente de me montrer sa trouvaille finalement, elle me prend par la main et m'entraîne dans sa chambre. En deux trois mouvements elle est presque nue devant moi. Je la regarde et elle me confie, d'une voix qui s'excuserait presque: Tu sais j'ai grossi avec la ménopause... Je lui souris largement et la rassure, mais non tu es très bien comme ça, tu es joliment potelée, ça te va bien. Elle me regarde et sa tristesse me fend le coeur. Non mais tu sais j'ai vraiment beaucoup grossi, j'ai pris deux tailles de soutien-gorge et plein de kilos dont je me serai bien passé! Je lui fait remarquer en riant que j'en connais un qui doit bien se réjouir de son augmentation mammaire... mais elle me coupe et soupire, c'est pas drôle tu sais, je me sens moche.
Et de la voir comme ça, la mine décomposée, la voix désespérée, je ne peux m'empêcher d'être émue. J'ai envie de la prendre dans mes bras, de lui dire combien elle est belle, combien je suis fière d'elle, combien j'aimerai lui ressembler. J'ai envie de lui dire que ses kilos en trop c'est des poignées d'amour en plus, que des seins comme les siens beaucoup en voudrait, que son petit corps tout rond il est terriblement sexy, qu'elle sait se maquiller comme personne, qu'elle est la femme la plus féminine que je connaisse et qu'elle est très très belle.
C'est une de ces femmes qui ne met jamais de pantalon, toujours des jupes et des bijoux discrets, raffinés. C'est la seule personne dont je reconnais le pas avant qu'elle entre dans une pièce. Petite je guettai le roulement de ses talons dans le couloir de l'immeuble.
C'est un joli brin de femme, une de celles qui a toujours quelque chose à dire. Une de ses femmes qui a toujours le sourire. Une petite femme mœlleuse comme une brioche.
Quand j'étais petite je la regardais avec étonnement se maquiller.
Elle se mettait de la poudre sur le visage et ça la faisait briller, ce qui m'étonnait au plus haut point. Alors elle m'expliquait en chuchotant, comme si elle me confiait un secret, c'est parce que je suis une étoile...
Alors de la voir toute chose ce soir là, triste comme une sardine en boîte, ça m'a fait presque monter les larmes aux yeux.
Et puis elle a enfilé sa robe. Une très belle robe orangée, toute en voiles légers, qui descendait jusqu’aux pieds. Immédiatement elle a cherché les chaussures qui allaient avec m'interrogeant sur l'harmonie que lesdites chaussures faisaient avec sa toilette. Amusée, je lui ai fait plein de compliments, je l'ai regardé se mirer dans la glace, se tourner d'un côté puis de l'autre en faisant bien attention que la robe ne la boudine pas. Puis son regard s'est figé sur son décolleté: c'est pas un peu trop décolleté pour mon âge? mais noooon qu'est ce que tu racontes... pas du tout, tu es très élégante, vraiment.
Là elle me regarde toute coquine, les yeux plein d'étoiles et me confie: si tu savais combien je l'ai payé cette robe... des milles et des cents!
Tu ne liras probablement jamais ces lignes maman, mais moi je ne voulais pas oublier cet instant.
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