Elections capillaires
Il y a un nouveau résident à la maison de retraite qui vaut la peine que je m'y arrête un peu. C'est ce que les gens appellent souvent "un personnage".
Grand, plutôt fort, d'aspect on ne peut plus négligé, l'hygiène irrégulière et le verbe haut.
Quelqu'un d'allure grossière, les pantoufles dépareillées, la chemise qui sort du pantalon et qui laisse entrevoir le gras du bide, le cheveux luisant et l'haleine forte.
Et puis un franc parler qui dérouterait le plus cru d'entre nous, et qui bien sûr tétanise ses congénères, vieux habitants du 16ème plus souvent tirés à quatre épingles qu'à leur tour.
Monsieur Cigarillo détonne dans ce contexte.
Et puis surtout il n'a pas sa langue dans sa poche. Il aime les femmes, mais pas les vieilles, adore la bouffe mais pas le café d'ici, il veut savoir combien je gagne, si je suis heureuse en amour et comment ça se fait bon dieu qu'une chouette fille comme moi fasse un boulot de merde pareil.
Il se marre comme une baleine à mes blagues, il me glorifie dès que j'arrive dans une pièce, il en fait trop, il s'amuse, il critique, il vit.
J'aime ces gens là, je me demande si ce ne sont pas eux qui ont tout compris en s'affranchissant des codes sociaux et en ne vivant que selon leur bon plaisir.
Je ne peux pas m'empêcher de remarquer que même dans ses meilleurs jours, lorsque je rentre à la maison le soir, le cher Quasi Parf ne m'ensence jamais autant qu'un Monsieur Cigarillo.
Et pourtant Quasi Parf et moi faisons tranquillement notre petit bonhomme de chemin, mes crises se sont estompées, mon psy se fait des couilles en or et Quasi Parf en bénéficie.
Et moi aussi.
C'est la sécu qui doit être contente.
Cet été nous partons au Portugal, voilà deux semaines que le guide du Portugal est mon livre de chevet et je suis incollable sur les spécialités cullinaires de là bas, la température de l'eau à Lisbonne, les fêtes de villages et autre singularités portugaises. Je frétille d'envie à l'idée de ce voyage.
Pour ceux que ça intéresse et surtout ceux que ça n'intérresse pas, mes cheveux ont repris une texture mal coiffée. Pour les pros ça signifie que j'ai été chez le coiffeur faire un assouplissement.
Oui mesdemoiselles, rien de moins, une sorte de mini permanente qui illusionne à peine son monde en donnant un simili de volume à mes petits poils de souris. Sachez que c'est ainsi dont ma mère parlait de mes cheveux dans mon jeune âge, qu'on ne s'étonne pas sur les années de thérapie qui m'attendent.
Au résultat, ça ne donne pas de boucles évidemment, ne rêvons pas, juste une forte impression de pétard dans les cheveux.
Mais j'affirme que ça me va plutôt bien, et comme on n'est jamais mieux servie que par soi-même, j'me tartine.
Mes résidents sont un peu horrifiés, bon, ils sont vieux, ils doivent penser que je fais la grève du peigne, et comme je sais combien il est parfaitement inutile que je leur explique la différence entre leurs critères de beauté à eux et les miens, je m'abstiens, et souris naïvement.
Qu'y at-il de plus efficace qu'un sourire niais?
Ma meilleure amie a manqué de se foutre en l'air à Strasbourg avant hier et j'ai mis deux jours à me remettre de tout ça. Décidément les hommes sont vraiment des pousses au crime, au sens littéral du terme.
Quant à moi, comme à chaque fois que je vais bien, je pense encore et toujours à faire un bébé, et je me heurte encore et toujours à un Quasi Parf qui veut prendre son temps, profiter de la vie et tout le tintouin. Alors je patiente, j'enfile des perles, je lorgne les fraises: un jour viendra.
Quant aux élections, j'ai voté pour Ségo, voilà c'est dit, c'est fait, pas de langue de bois, j'aime à parler crûment. Va-t-on se foutre sur la gueule si on sait combien je gagne ou pour qui je vote?
Bon j'ai tout de même voté pour Ségo, mi-figue mi-raisin, en me tapant une heure trente de transport pour aller dans le bureau de vote de la petite ville de banlieue où j'ai grandi. Grosse après midi quoi. Trois heures de bus, métros et autres bonheurs urbains afin de voter pour une candidate qui au final... me botte moins qu'un Sarko. Bon.
Je suis donc allée voter sans conviction démesurée sous l'oeil désespéré d'un Quasi Parf qui ne l'était pas moins, ayant appris la veille des élections, horreur et putréfaction, que lui et sa famille étaient tout bonnement rayés des jolies listes électorales. Comme des malpolis qui auraient oublié de se réinscrire après leur déménagement. Les ploucs.
Effectivement à priori j'avais davantage d'idées à gauche, mais ça ne m'empêchait pas d'avoir quelques bonnes idées bien placées à droite également... Alors quoi? Bayrou? Plutôt courir oui.
Ségo est quand même une nana, et ça, ya pas à chier les gars, ça compte vachement, pour la première fois, on allait peut être avoir une femme pour nous représenter... Mais bon, avec son charisme de poisson rouge, ça m'a quand même chiffonné.
Bah oui, moi l'oralité c'est mon boulot, alors élire quelqu'un qui tremble comme une feuille morte dès qu'elle ouvre la bouche... moyen.
En gros j'avais envie de voter Ségo pour son parti et Sarko pour sa personnalité alors dilemne.
De toute façon, ne nous leurrons pas les enfants, j'en mettrai mes cheveux à couper que c'est Sarko qui passe, je n'en doute pas une demie seconde. Et ce, que je vote ou non, au second tour.
A part ça, ce midi c'était cassoulet les enfants.