Un petit coin au paradis

7 mars 2007

Ils ont tout de même fabriqué un ange.

J'aime ce garçon plus que de raison. A chaque fois que je le vois je suis transportée dans un élan de niaiserie. Un sourire idiot accroché à mon visage ne va pas me quitter pendant les quinze première minutes de nos retrouvailles.
Je suis conne.
Je ne saurai pas expliquer pourquoi après tant d'années j'ai autant d'amour pour lui. Car il s'agit bien d'amour. Pas d'amour comme avec Quasi Parf', pas d'amour comme avec Jeannot, juste un Véritable Amour. Quelque chose de puissant, de profond, qui dépasse la séduction, qui surpasse la passion, qui enterre l'amitié.
Une sorte d'immense estime.
Raymond est un être à part.

Hier j'ai dîné chez ses parents. Je les regardais, un peu reculée, sans juger, mais tout de même, en réalisant, qu'il s'agissait bien d'un miracle. Comment de telles personnes avaient-elles pu faire un enfant aussi équilibré, stable, intègre et si profondément gentil?
Mes yeux se posaient sur la déco surfaite de leur maison, de mauvais goût, sur la mine dépressive de sa maman, sur les familiarités lourdingues de son papa.
Ils ne sont pas méchants ces parents là, ils n'ont pas eu tellement de chance, ils n'ont pas eu beaucoup d'argent, ils sont même un peu beaufs, pour dire vrai, mais pas méchants, ça non.
Je n'ai pas de mauvais souvenirs avec eux. Simplement un grand étonnement: comment ont-ils fait pour engendrer un enfant aussi parfait qu'ils sont imparfaits?
C'est délicat d'expliquer ça, ces jugements à l'emporte pièce, c'est délicat tout ça.
Je ne voudrai pas froisser et pourtant les mots se froissent si vite, comme du papier de soie. Je voudrais être au plus près, au plus juste, comme un chirurgien ou un naturaliste. Je n'aime pas qu'on enjolive, je n'aime pas qu'on minimise, je déteste me voir dévier, que ma trajectoire dérive peu à peu.
Quand j'écris je veux que ça colle. Que ça colle au point de se confondre avec le réel.

Ces parents là me semblaient très loin des miens.
Chez moi on n'avait pas de flatulences à table, on ne mangeait pas des pâtes tous les soirs, on n'avait pas de poster de chiens dans le salon, ni de statue de chiens dans l'entrée, ni de tee-shirt avec des têtes de chiens dessus, pas de passion pour la tuerie des cafards, chez moi on partait en vacances de temps en temps, on discutait pendant les repas, ma maman n'avait pas de piercing dans le nez, elle ne portait pas de rangers, mon père ne tenait pas de propos racistes en se bidonnant et pourtant...
Et pourtant c'est moi qui ai quitté le cocon familial à 15 ans.
Beaucoup moins stable et beaucoup moins construite que l'est Raymond.
Il est une énigme. Une perle rare. Un messie peut être.
Il est peut être ce que j'ai de plus cher.
Alors quelque part je tiens à remercier ses parents, êtres improbables un peu méprisable, un peu paumés mais plein d'amour.
Oui, surtout plein d'amour.
Je n'oublierai pas la porte qu'ils m'ont ouverte, les gaufres dans mes cheveux qu'elle m'a faite, leur générosité toute naturelle, les fous rires qu'on a eu, les kebab dont on s'est régalés, leur fantaisie pétillante, son besoin d'amour qui n'était pas sans rappeler le mien, les kilos de pâtes qu'ils m'ont fait manger, ses lubies farfelues, les milliards de cigarettes fumées dans leur cuisine, sa façon de confondre tous les prénoms, sa légèreté de petite fille, je n'oublierai pas tout ça.