Un sourire glacé.
Pouf, le clavier, le bureau, les stylos, des décos de noël partout, des ptits vieux dans tous les sens, y a pas de doute: j'ai bel et bien repris le boulot.
C'est une nouvelle jeune fille de 24 ans qui vous écrit.
J'ai désormais coupé mes affreuses mèches blondes et j'arbore une coupe courte, haut les coeurs les amis, on dirait Cameron Diaz en châtain. Si si.
Fini également le micro studio en banlieue. Place à un deux pièces de 50 mètres carrés
Partie aussi Maryline, ma chatte de gouttière couinante. Je l'ai gracieusement offerte avec litière et gamelle comprises à ma tante. Le kit du chat d'extérieur a fait son bonheur et a rassuré mon cher et tendre qui ne se voyait pas cohabiter dans son coquet deux pièces refait neuf avec un félin des trottoirs.
Arrivé, le petit Malibu, un chaton blanc comme la bouteille, espiègle comme tout et qui vibre à la demande.
Aujourd'hui j'ai repris le boulot le sourire aux lèvres. Demain, je déménage.
Seule ombre au tableau -parce qu'il y en a toujours une- Monsieur Insupportable, l'un de mes résidents préféré, jamais marié, sans enfants, teigneux comme pas deux, insupportable pour tout le monde, un brin lubrique, parfaitement intolérant, râleur par principe, bref mon résident préféré, est en train de se laisser mourir.
Depuis mon arrivée ce matin, chaque aide-soignante croisée dans les couloirs me serine d'aller voir Monsieur Insupportable dans sa chambre car il s'est beaucoup plaint de mon absence lors de mon arrêt maladie. Au détour d'un autre couloir un kiné m'interpelle en insistant sur le fait que Monsieur Insupportable ne va pas bien.
Ni une ni deux, je franchis le seuil de la chambre de mon râleur préféré avec mon plus grand sourire et ma meilleure blague.
Il est alité, pâle comme une endive, les yeux mi-clos.
Il me reconnaît, me dit que les cheveux courts ça me va très bien, je baragouine deux-trois blagounettes vaseuses, il ne sourit pas.
J'adopte alors un ton plus sérieux et lui demande ce qui cloche.
C'est le moral.
Je prends un cadre posé sur son étagère avec les photos de sa maison et de ses frères et soeurs.
Je lui montre et commente.
J'en rajoute des tonnes.
Je lui dis que pour aller mieux il faudra venir à toutes les activités, que je l'y trainerai bon gré mal gré, non mais, je vais être triste comme une sardine sans lui sinon!
Il me demande d'éteindre la lumière. Je prend ma voix douce, lui souhaite un bon repos et lui dis à lundi.
Je referme la porte et deux aides-soignantes m'apprennent qu'il refuse de s'alimenter depuis quelques jours.
Monsieur Insupportable se laisse donc mourir.
Elles me disent qu'il ne passera pas le week-end.
C'est comme s'il avait attendu de me revoir avant de partir.
Pourvu que je me trompe.